le Syndrome identitaire : interview
Anne Steinberg-Viéville se livre à propos de son second ouvrage :
Le Syndrome identitaire
Éditions La Compagnie Littéraire : Anne Steinberg-Viéville, vous venez de publier à La Compagnie Littéraire un ouvrage à caractère autobiographique très particulier : Le Syndrome identitaire. Comment vous est venue l’idée de cette publication ?
Anne Steinberg-Viéville : J’ai d’abord écrit pour moi, pour me sauver. La respiration des phrases (au même titre que la musique de Bach) me permettant de lutter contre l’embolie pulmonaire. J’ai adressé le premier jet, écrit dans divers services hospitaliers, à mon médecin traitant. « Très fort ! » m’a-t-il répondu par SMS. Sa réception, laconique, a généré l’idée d’une publication. Elle m’a permis de réaliser que le corps médical attendait le point de vue du patient. Enfin, j’ai lu avec émotion le Lambeau de Philippe Lançon. Même urgence, même culture, même démarche littéraire malgré un mode d’expression radicalement opposé. À lui, le luxe de détails, à moi l’économie des moyens. Il a trouvé un large public de lecteurs. Alors, pourquoi pas moi !
Éditions La Compagnie Littéraire : Vous nous livrez ici un « fragment de vie » qui sert de cadre à une question centrale dans votre écriture : qu’est-ce que l’identité ? Cela ne se résume manifestement pas aux « nom, prénom, date de naissance ». Que pouvez-vous nous donner comme éléments de réponse ?
Anne Steinberg-Viéville : En effet, cette question me taraude depuis l’enfance ! Mal-aimée par mes géniteurs qui me perçurent comme le « vilain petit canard qui ne ressemble à personne », désirée par un frère au-delà des pulsions sexuelles qui travaillent la puberté, j’ai précocement conçu l’idée que j’étais une « erreur de berceau. » Dès lors, je me suis embarquée dans un programme égotiste : construire et cultiver un Moi singulier, dont l’Identité administrative ne dit rien.
Comme je l’écrivais dans les Mémoires d’une étrangère, je me suis construite CONTRE mes géniteurs : littéraire, libre, libertine et libertaire.
Éditions La Compagnie Littéraire : L’histoire s’ouvre sur un passage à « l’Unité 3 de Réanimation » où vous vous trouvez dans un état critique. Pouvez-vous nous éclairer sur le contexte qui a précédé ces événements ?
Anne Steinberg-Viéville : Au printemps 2018, une douleur lombaire invalidante déclenche une imagerie qui montre un énième calcul rénal. Pathologie chronique depuis une dizaine d’années. Mais cette fois, ni l’évacuation par les voies naturelles ni la lithotripsie extracorporelle ne sont envisageables. La pierre est énorme et infectée ! Avec le chirurgien, nous convenons d’une intervention sophistiquée, invasive, qui devrait présenter le bénéfice d’un passage unique sur le billard. Les préliminaires avec l’anesthésiste se passent mal : contestation de ma thérapeutique en cours, négligence de l’impact d’un geste chirurgical sur fond de traitement hormonal non interrompu, incompréhension des substances allergènes. Un Romain serait rentré chez lui ! Pas moi. Je me rends à la clinique comme un bon petit soldat. En salle de réveil, le chirurgien me murmure « il s’est passé beaucoup de choses. » Le lendemain, il me fait part de son échec, lié à une panne matérielle pendant l’intervention. Sans vision satisfaisante, la lentille du néphroscope étant non fonctionnelle, il a perdu le trajet de ponction de mon rein et arrêté la procédure. Très rapidement, mon état général se dégrade : septicémie, dyspnée, thrombose 1, thrombose 2, pleuropneumopathie. C’est alors que je suis transférée à l’Unité 3 de Réanimation Médicale.
Éditions La Compagnie Littéraire : Un peu plus tard dans le récit, on va lire sous votre plume : « Écrire sa mésaventure est un exercice cathartique (…) la littérature peut maintenir les fonctions vitales. » Aviez-vous déjà expérimenté ce processus avant l’accident de santé que vous relatez ici ?
Anne Steinberg-Viéville : Non. D’expérience, c’est une première. Je connaissais ce pouvoir par des témoignages littéraires : Proust, Kafka, Dostojevski, Baudelaire, Nerval me l’avaient enseigné.
Éditions La Compagnie Littéraire : À propos de votre « Zen attitude » remarquée par le personnel soignant, vous évoquez «l’amor fati», un accommodement à l’impondérable. Pouvez-vous développer ce concept ?
Anne Steinberg-Viéville : Il ne s’agit pas d’une croyance mais d’une certitude, vérifiée à maintes reprises. En animaux que nous sommes, nous sommes assujettis à des tropismes, des signaux irrationnels (peut-être instinctifs) que nous envoie notre corps et qu’il est sage de prendre en compte. Visiblement, je n’ai pas encore acquis cette sagesse !
Anne Steinberg-Viéville : Je crois que l’on se fait une vie qui nous ressemble…
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